(Agence Ecofin) – En France, Google a décidé de ne pas payer les droits voisins aux éditeurs de presse, comme le prévoit une directive européenne. Cette dernière, transposée dans le droit français et prévue pour entrer en vigueur le 24 octobre prochain, devait permettre aux éditeurs de médias d’être rémunérés pour leurs extraits d’articles visibles sur Google Actualités. Que nenni ! Google a décidé d’exploiter une faille de la directive européenne lui permettant de diffuser de courts extraits des articles sans rémunérer les médias qui ne verront plus que leurs titres affichés sur le moteur de recherche du géant américain. Pendant ce temps, Facebook n’accepte rémunérer que les articles apparaissant dans sa rubrique actualité.
Un tollé déclenché par des prises de positions pourtant attendues
« Lorsque la loi française entrera en vigueur, nous n’afficherons plus d’aperçu du contenu en France pour les éditeurs de presse européens, sauf si l’éditeur a fait les démarches pour nous indiquer que c’est son souhait », explique Google France sur son blog. «Google fait preuve d’une rare arrogance en proposant un non choix aux éditeurs de presse. On nous dit : vous pouvez continuer à être visibles dans les résultats de recherche, mais renoncez par avance à la rémunération qui naîtrait de la reconnaissance d’un droit voisin. Donc vous nous donnez vos articles gratuitement et vous acceptez une interprétation ultra restrictive de vos droits. Soit vous disparaissez des résultats de recherche et vous vous apprêtez à perdre environ 30 % ou 40 % de votre trafic. C’est comme si l’on nous disait : vous arrêtez de respirer si vous voulez », commente Pierre Louette, le PDG du groupe Les Echos-Le Parisien. La décision de Google a provoqué un véritable tollé chez les éditeurs de médias français. Pourtant, la position de Google n’est pas étonnante. En payant les droits voisins, la filiale d’Alphabet s’expose à un effet domino qui verrait les médias du monde entier réclamer une rémunération pour les extraits d’articles disponibles sur le moteur de recherche de l’entreprise. Facebook de son côté est plus enclin au dialogue, après que son image a été fortement écornée par les récents scandales liés aux données personnelles. Malgré tout, les GAFA ne comptent visiblement pas se laisser faire sur la question des droits voisins des médias. Rien d’étonnant quand on se rappelle qu’en 2015, suite aux plaintes de la presse espagnole, soutenue par la réglementation locale lui permettant de réclamer des droits voisins, Google avait fermé son service, déclenchant un véritable séisme chez les médias digitaux locaux.
Une interprétation de la situation qui varie d’un camp à l’autre
Le véritable problème avec cette situation, c’est que chaque camp prétend être dans son bon droit. Alors que les éditeurs de presse assurent que Google détourne leur audience, et leurs revenus publicitaires par ricochet, le géant américain du web rétorque qu’au final les liens et les aperçus renvoient l’internaute vers le site d’origine de l’information. Pour Google, ce sont donc les médias qui finissent par bénéficier de l’exposition offerte par son moteur de recherche. Dans les faits, les deux camps ont à la fois raison et tort. Si Google et son moteur de recherchent profitent bien du fruit des efforts des médias pour attirer des revenus publicitaires sur son moteur de recherche, il faut reconnaitre que le système de référencement de l’entreprise américaine est désormais indispensable dans la survie des médias à l’ère digitale. A priori, un accord pourrait être trouvé, mais les deux parties semblent pour le moment camper sur leurs positions.
Une situation qui ne devrait pas toucher l’Afrique
D’après les dernières informations, les médias français sont soutenus par les éditeurs de presse européens et américains, les GAFA n’ayant pas forcément la même influence en Asie. Reste l’Afrique, dernière région qui pourrait encore être impactée par ce bras de fer. Néanmoins, pour Dominique Flaux, de l’agence Mediamania à Genève : « Je ne crois pas que cette polémique touche vraiment l’Afrique où les GAFA ont plutôt contribué à réduire le gap de moyens entre les médias africains et des médias occidentaux, très intrusifs en Afrique. Le marché de la communication africain est encore peu développé. La plus grande partie reste à inventer. Du coup, les Africains sont moins défensifs. Ils n’ont pas vraiment peur des GAFA. Ils cherchent davantage à inventer, à adapter, à innover ». Pour lui, les GAFA ne détournent pas la manne publicitaire des éditeurs de presse. « Je ne pense pas que les GAFA détournent la publicité. Ce sont les annonceurs qui ont trouvé avec les GAFA une manière de communiquer plus efficace et plus accessible que la bonne vieille location d’espaces publicitaires dans les médias. Pour ce qui concerne les droits voisins, il me semble que c’est un mauvais procès. Tous les médias utilisent au maximum des GAFA pour développer leur audience. Personne ne les y oblige. S’ils le font, c’est qu’ils y trouvent un intérêt. En revanche, il faut absolument que les GAFA paient leur juste part d’impôts, partout où ils exercent ».
Finalement, la « position dominante des GAFA » doit être relativisée. Selon Dominique Flaux, « c’est aux médias de proposer aux annonceurs des services plus attractifs. Les progrès des nouvelles technologies, et notamment de l’intelligence artificielle, devraient les y aider ».
Source: Agenceecofin