À une décennie de l’année 2030, l’année de l’atteinte des ODD (Objectifs de développement durable), le monde et l’Afrique se retrouvent à combattre le Covid-19 à l’aide d’une artillerie numérique qui n’est pas maîtrisée par tous les acteurs.
Si cette crise majeure cache les turbulences géopolitiques entre un monde qui s’efface et un monde qui émerge, il faut l’admettre que l’Afrique doit, à son tour, se mettre à l’ère du tout numérique. Ce, y compris dans la politique. Forte de ses nouvelles générations de leaders dynamiques, de ses ressources humaines de qualité, de ses experts, praticiens et chercheurs compétents, l’Afrique contribue non seulement au progrès de la médecine, mais de manière globale, à l’atteinte des 17 ODD pour sauver le monde.
Sur le plan national, la gouvernance politique en Afrique à un rôle crucial à jouer puisque c’est à elle que revient l’impératif de fixer la vision, et à sa base de l’exécuter en toute confiance. La confiance collective est la confiance que chacune des parties prenantes nationales et internationales doit d’abord avoir vis-à-vis d’elle-même, puis vis-à-vis des autres. Elle a besoin d’un cadre précis de dialogue et d’actions, d’un ensemble de règles et d’exigences comprises, acceptées et appliquées par toutes.
Sur le plan international, le principe de solidarité inscrit dans toutes les constitutions rappel à tous qu’aucun pays pris individuellement ne peut ou ne pourra s’en sortir seul face aux menaces émergentes de l’après-Covid-19.
Dès lors, la pandémie apparaît comme un détonateur qui rappelle à tous les acteurs publics comme privés l’impérieuse nécessité de la complémentarité des actions pour un futur collectif souhaité. D’abord à horizon 2030 pour les ODD, puis à échéance 2063 pour faire de l’Afrique la locomotive mondiale de l’avenir. La volonté politique sera la clé de voûte (la vision), la confiance collective l’arme absolue (le plan d’action) et la cybersécurité l’assurance collective dans un monde qui sera plus que jamais digitalisé.
Une capacité de résilience à renforcer
À l’évidence, tous les pays, surtout africains, seront très fortement impactés pendant la période de pandémie. Il faut faire preuve de discipline, d’agilité, de pragmatisme et composer court terme et moyen terme dans l’action, suivre à la lettre les recommandations émises par les autorités. Bien sûr, il y aura beaucoup à dire sur les politiques mises en œuvre ; face à une crise, il faut être en mesure de l’anticiper, mais aussi, pour citer Warren Buffet : « C’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus. »
Si la capacité de résilience de l’Africain est un acquis, plus que jamais, il s’agira de maintenir cet acquis et de renforcer la résilience des États. Le constat de repli de tous les pays, surpris et débordés, qui se retrouvent dans une sorte de sauve-qui-peut, ne permettra pas aux pays africains de répondre à la question : sur quels indicateurs s’appuyer pour décider de l’échec ou de la réussite de la stratégie d’anticipation de lutte contre le Covid-19 ? Cette question vitale permet d’évaluer l’impact des mesures prises pendant la pandémie ici et là, comme :
– Le report de l’ensemble des rencontres internationales questionne sur le seuil acceptable de contamination. Faut-il interdire l’organisation des forums, conférences, compétitions ou toute rencontre de plus de 500 invités ?
– Le report du deuxième tour des élections municipales en France et la persistance pour la tenue des élections en Guinée et au Mali questionnent sur le seuil de contamination possible ou acceptable lors du déroulement du scrutin. Tout simplement, la vie démocratique doit-elle prévaloir, quelle que soit la situation ? Dans l’affirmative doit-on pouvoir voter pendant une pandémie ou toute autre crise majeure ?
– La déscolarisation généralisée, l’augmentation des violences conjugales, l’accentuation des précarités sociales et l’impact sur la santé en général, posent également des questions.
De manière globale, au vu de l’état d’urgence sanitaire, du fait que l’économie mondiale soit à l’arrêt, que les entreprises et industries en gestion de crise continuent, des risques d’effondrement boursier… Que penser de la généralisation en urgence du télétravail ? Par exemple, les dirigeants de l’Union africaine ont pris l’initiative le 3 avril 2020 d’organiser une réunion par visioconférence. Ils ont ainsi consacré l’utilité des outils numérique ; pour autant, en l’état, peut-on faire entièrement confiance à ces outils ?
« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », disait Albert Einstein.
La vie en société, qui s’est organisée autour des outils numériques, est une réalité de la position stratégique de la ressource à partir duquel il faut penser le futur de l’Afrique. Nous devons tous repartir à partir des acquis de l’ensemble des parties prenantes en considérant que les échecs de l’avant-Covid-19 font partie du devenir. La résilience au niveau des États ne concerne pas seulement la santé ou l’agriculture, elle devrait s’appliquer à l’ensemble des 17 ODD.
Une stratégie globale à définir
Mécaniquement, les crises vont se multiplier, il faudra s’y préparer. Gouverner c’est prévoir, mais arriver trop tard c’est perdre la bataille. La pandémie va passer mais pour le virus, il faudra apprendre à vivre avec pendant presque 20 ans, et dans le même temps, compenser au niveau international les efforts financiers consentis pour relancer l’économie mondiale.
Les nouvelles technologies, ce sont à chaque fois des solutions qui se déclinent en produits économiques et qui ont besoin de grand marché intérieur, le monde étant devenu un village planétaire.
Les nouvelles technologies ne devraient-elles pas servir à rapprocher les humains ? Une chose est sûre, pour réussir le déconfinement ou le retour à la normale, les États n’auront pas d’autres choix que de recourir à des solutions capables de rassembler des énergies. Elles devront analyser en temps réel la situation, tant sanitaire que dans les autres domaines connexes, pour trouver les meilleures options et optimiser le retour à la normale.Un processus de digitalisation globale continue qui nécessite évidemment une stratégie, un financement, une opérationnalisation, une conformité et des ressources humaines.
Face à l’incertitude, l’anticipation
Incontestablement, le monde entre dans l’ère du tout numérique, la société africaine et en particulier sa jeunesse et sa nouvelle élite ont bien compris cette révolution. Une prise de conscience par la gouvernance est nécessaire afin de laisser éclore la nouvelle Afrique, non sans la vigilance des Anciens. Pour reprendre la sagesse des aînés, il y a 59 ans, dans le roman à succès, L’aventure ambiguë, de Cheikh Hamidou Kane, La Grande Royale, fervente adepte des métaphores, ne voyait-elle pas que la façon la plus effective pour repousser les envahisseurs était de comprendre leur tactique ?
Rappelons enfin que ne s’améliore que ce qui se mesure ; ne se mesure que ce qui se comprend ; ne se comprend que ce qui se décrit et se partage.
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* Chrysostome Nkoumbi-Samba est ancien responsable informatique au sein de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie).
Président du réseau Africk@Cybersecurite, le réseau des experts en management de la sécurité des données numériques, il est directeur-associé au sein du cabinet parisien NP Consultants, il conseille et accompagne les dirigeants dans la digitalisation des processus et la sécurisation de leur patrimoine.
Il a soutenu dans le cadre du MBA Management de la sécurité numérique des données numériques, au sein de l’Institut Léonard-de-Vinci, une thèse : « Dans un contexte de modernisation des élections politique, quelle stratégie adopter pour assurer la confiance dans le vote électronique ? »