L’initiative Digital Africa, qui devait favoriser le financement des startups africaines, n’aura finalement été qu’une illusion. Après les promesses successives de financements de l’ordre de 65 millions d’euros, et plus récemment de 130 millions, c’est l’Agence française de développement elle-même qui cherche à dissoudre l’organisation.
En mai 2018, en visite au salon Viva Tech, le président français Emmanuel Macron promettait à l’initiative Digital Africa une enveloppe de 65 millions d’euros. Il fallait, disait-il, que la France « prenne sa part au financement du développement des écosystèmes africains ». Digital Africa était alors un simple concours réservé aux startups. Le chef de l’Etat français voulait alors que ce projet soit complété par une plateforme numérique et un dispositif d’accompagnement des startup africaines.
Deux ans et demi plus tard, c’est la douche froide ! L’association a commencé à battre de l’aile en juin dernier, lorsque le Franco-Sénégalo-Malien Karim Sy a démissionné de son poste de président après l’arrivée de Stephan-Eloïse Gras, proche du palais de l’Elysée. C’est en réalité tout un système de gouvernance qui vacillait… Nombreux sont les entrepreneurs et consultants africains qui ont dénoncé les méthodes de la direction de l’association. En cause, notamment, la gestion de l’Agence français de développement (AFD), qui détient de fonds Digital Africa, qui finance notamment l’association éponyme.
Alors qu’il s’apprêtait à livrer un rapport sur les dysfonctionnement de l’association, le président par intérim, le Sud-Africain Africain Kizito Okwechuku se sent court-circuité : l’AFD surfe sur la vague du ras-le-bol des partenaires africains pour rallier des acteurs moins influents, comme AfriLabs et ABAN Angels, à sa cause.
Désormais, l’AFD chercherait à dissoudre l’association sans discussion possible. Le représentant de l’Agence française de développement, Jean-Pierre Barral, a demandé la convocation d’une assemblée générale le 18 février dernier.
Une colonisation digitale ?
Si la déception est de mise, alors que l’association est sur le point de péricliter, le ressentiment vis-à-vis de la France a remplacé la peine. D’aucuns regrettent que la France continue de traiter l’Afrique comme une colonie, au lieu d’imaginer un partenariat gagnant-gagnant.
Mais à qui la faute ? Les espoirs des membres de l’association douchés, place aux règlements de comptes. La présidente du conseil d’administration d’AfriLabs, la Camerounaise Rebecca Enonchong, raconte sa déception. « La structure même de l’organisation était la preuve qu’Emmanuel Macron était déterminé à construire une nouvelle relation plus égalitaire avec les jeunes Africains du continent », se souvient-elle, avant de s’étonner que « les voix des trois membres africains du conseil d’administration qui, ensemble, représentent une communauté de plus d’un million d’entrepreneurs africains » aient été « ignorées », alors que les décisions de l’AFD étaient prises de façon unilatérale.
Le 18 février, l’assemblée générale s’est bien tenue. Mais de nombreux membres manquaient à l’appel. L’AFD assure qu’il n’est pas question de dissolution mais d’une « transformation pour changer d’échelle » pour, poursuit-elle, « accroître l’ambition de Digital Africa ». Du côté des membres africains du conseil d’administration, on sait que l’association court à sa perte et que l’AFD se verrait bien relancer une initiative similaire, dans laquelle elle aurait les pleins pouvoirs.
Source : Lejournaldelafrique