Les femmes représentent 53 % de la population de la République démocratique du Congo. Et lorsqu’elles participent pleinement à l’économie, le bien-être de la société augmente en parallèle. Dans cet entretien, Desk Eco reçoit Noel K. Tshiani, Fondateur d’Agere Global basé à New York ; Magalie Swelly, Présidente de Magswelly Visual Identity basée à Paris ; et Judith Tunda, Project Management Associate chez l’UNOPS basée à Kinshasa pour échanger sur les thématiques telles que l’éducation, la formation, l’entreprenariat et l’emploi pour les femmes congolaises.
Desk Eco : Noel K. Tshiani, Magalie Swelly et Judith Tunda, présentez-vous à nos lecteurs avec un sommaire de vos parcours.
Noel K. Tshiani : Je suis Congolais et j’ai vécu aux États-Unis pendant 23 ans. Je suis détenteur de trois diplômes de licence en Sciences Politiques, Finance et Marketing. Et je suis le fondateur d’Agere Global, une société spécialisée dans le conseil en investissement et stratégie commerciale basée à New York City.
J’ai également fondé Congo Business Network, un réseau d’affaires international des entrepreneurs congolais dont la mission consiste à connecter les entrepreneurs afin de les propulser dans le monde des affaires auprès des médias, des partenaires commerciaux et des investisseurs privés et institutionnels.
Magalie Swelly : Basée à Paris et d’origine congolaise, je suis diplômée d’un master 2 en Management et Stratégie d’entreprise et d’une licence en Marketing International. J’ai été salariée pendant 10 ans comme Business Analyst dans les secteurs de la mode et de la beauté, un métier qui m’a permis d’acquérir de solides connaissances en analyse chiffrée et l’impact de l’image sur l’activité. J’ai décidé de me lancer en entreprenariat en 2014 comme Consultante en stratégie d’image et de communication. J’ai fondé par la suite Magswelly Agency pour accompagner les personnes et les entreprises dans la définition de leur stratégie d’image et de communication.
Je suis également fondatrice de l’association « Elle se Valorise », qui propose un programme de conférences et de formations ayant pour objectif principal de contribuer à la valorisation de l’image de la femme et de son rôle dans la société.
Judith Tunda : Je détiens une licence en Sciences Économiques de l’Université Monash en Afrique du Sud, où j’ai vécu pendant 8 ans. Je travaille actuellement comme Project Management Associate chez l’UNOPS (United Nations Office for Project Services), où je supervise plus de 30 projets de la Banque mondiale dans différents pays africains.
Et il y a quelques années, j’ai fondé « Justice Pour Toutes », une association sans but lucratif dédiée aux jeunes femmes congolaises démunies victimes des injustices sociales.
Desk Eco : Vous avez organisé la Session Stratégique sur l’Accompagnement de Start-ups Congolaises le 16 avril 2020 sur Cisco WebEx, quel était le but de cette initiative ?
Noel K. Tshiani : Ayant vécu aux États-Unis pendant 23 ans, lorsque je compare l’écosystème start-up là-bas à celui de la République démocratique du Congo, c’est évident que nous avons encore un long chemin à faire pour construire des plateformes telles que des incubateurs, des accélérateurs, des programmes d’accompagnement des entrepreneurs, des événements business, des fonds d’investissement, des réseaux des Business Angels et l’environnement juridique qui permettent aux start-ups à se développer et à devenir des grandes entreprises telles que Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
L’objectif de la séance était de rassembler les acteurs majeurs de l’écosystème start-up de Kinshasa, Lubumbashi et Goma pour échanger sur ce que nous devons faire en collaboration pour accompagner les start-ups congolaises afin de les propulser dans le monde des affaires auprès des médias, des partenaires commerciaux et des investisseurs privés et institutionnels au Canada, aux États-Unis d’Amérique, en Europe et en Afrique.
Desk Eco : Quelles ont été les conclusions de la Session Stratégique sur l’Accompagnement de Start-ups et qu’allez-vous faire ensuite ?
Noel K. Tshiani : Les entrepreneurs congolais de la diaspora et ceux vivant au Congo qui ont participé à la discussion ont conclu que c’est dans notre intérêt commun de travailler à travers des réseaux business pour aller plus loin dans le monde des affaires pour trouver des partenaires et des investisseurs à Kinshasa et à l’international au lieu de faire des efforts en solo. Si les entrepreneurs évoluant à Kinshasa, Lubumbashi et Goma travaillent en collaboration avec la diaspora, je suis convaincu que nous pouvons construire un écosystème start-up qui favorise le succès des entrepreneurs dans le futur.
Nous sommes en train de développer un programme pour accompagner les start-ups congolaises dans leur processus de développement. Et nous recherchons des partenaires qui peuvent nous assister pour que ce programme se matérialise dans les mois à venir. Nous avons besoin d’expertise dans différents domaines d’activité tels que la stratégie commerciale, le marketing digital, la communication stratégique, l’entrepreneuriat féminin et les stratégies de levée de fonds auprès des investisseurs privés et institutionnels.
Desk Eco : Magalie Swelly, Kileshe Kasoma, et Sidonie Latere étaient quelques-unes des femmes qui ont participé à l’échange du 16 avril 2020, pourquoi est-il important d’assister les femmes à réussir dans le monde des affaires ?
Noel K. Tshiani : Très jeune, avant d’aller aux États-Unis en 1996, je vivais avec ma grand-mère maternelle. Quand ma mère n’était pas là, c’est ma grand-mère qui s’occupait de moi en préparant la nourriture, en nettoyant mes habits et en s’assurant que j’allais bien. Grâce à cette expérience, j’ai grandi avec un profond respect et une grande admiration pour les femmes. Et depuis le lancement du réseau en octobre 2018, j’ai toujours eu la ferme conviction que c’est très important d’accompagner les femmes à s’épanouir au maximum de leur potentiel dans la vie en allant à l’école et en obtenant un emploi bien rémunéré.
Desk Eco : Vous êtes Consultante en stratégie d’image et communication, comment la définissez-vous et pourquoi est-ce important pour les femmes dans le monde des affaires ?
Magalie Swelly : Communiquer c’est établir une relation avec une personne ou un public. Et la stratégie de communication permet de véhiculer une image positive grâce à un ensemble d’éléments et de comportements. Dans le monde des affaires où les femmes ne partent pas sur le même pied d’estale que les hommes, où la parité n’est pas totalement démocratisée, une stratégie de communication efficace est primordiale pour les femmes. Elle permettra de mettre en avant ce qu’il y a d’unique chez elles en termes de valeur ajoutée, leurs compétences et leurs talents qu’elles mettent déjà au service des projets dans lesquels elles sont impliquées. Les femmes talentueuses du monde des affaires doivent être connues et reconnues de tous.
Desk Eco : Sur la base de votre observation, quelles recommandations avez-vous pour les femmes congolaises pour réussir dans les activités commerciales ?
Magalie Swelly : J’ai été invitée à faire 2 séances de coaching auprès des femmes active à Kinshasa et à Lubumbashi. Le point commun de ces femmes été leur force, leur curiosité d’apprendre de nouvelles choses et leur leadership naturel.
Avec cette même énergie, j’encourage vivement les femmes congolaises à s’affirmer davantage, car l’affirmation de soi est une qualité fondamentale dans la vie personnelle, mais aussi professionnelle et sociale, elle permet d’établir des relations équilibrées et équitables. Pour mener à bien leur activité commerciale, je les incite également à veiller sur la qualité et sur la mise en avant maximale de leur offre ; allant d’un étalage parfait de fruits et légumes aux bénéfices et caractéristiques des produits ou services qu’elles proposent au clients. En d’autres termes, capitaliser sur une stratégie de communication pour valoriser l’image personnelle et l’activité commerciale.
Desk Eco : Comment les femmes peuvent-elles utiliser la stratégie d’image et la communication pour être visibles dans leur vie professionnelle ?
Magalie Swelly : Dans un premier temps, en construisant une image de marque personnelle (grâce au Personal Branding), ce qui permettra de les distinguer et de mettre leurs compétences et leurs talents en avant. Puis par la promotion de leur profil via les différents outils de communication existants : communication papier, relation presse, réseau professionnel, et par une présence digitale. Je privilégie l’outil LinkedIn qui est à ce jour, le réseau social idéal pour développer la visibilité des professionnels. Les techniques que nous appliquons lors du coaching en Personal Branding permettent de surveiller l’image de marque et la réputation en ligne.
Desk Eco : Quelles opportunités voyez-vous aujourd’hui pour les femmes dans le monde professionnel au Congo et quels conseils avez-vous à leur donner ?
Judith Tunda : Au Congo, les femmes ont moins accès que les hommes à l’emploi salarié et au secteur secondaire. Leur activité est le plus souvent exercée à titre d’aides familiales et de façon « informelle », ce qui veut dire, presque toujours, l’absence de règles protectrices de leur travail et de sa rémunération.
Les opportunités de nos jours pour les femmes au Congo se basent plus dans l’entrepreneuriat. Notamment dans différents secteurs tels que l’agriculture bien que les conditions ne sont pas toujours favorables due au manque d’expertises, de formation technique et de soutien nécessaire. Un autre secteur qui peut rendre les femmes congolaises autonomes c’est le commerce. Le commerce peut jouer un rôle important dans l’autonomisation économique des femmes.
Ces opportunités ne peuvent que être mises en œuvre si seulement les femmes congolaises sont éduquées et sensibilisées. Alors, mon conseil serait de mettre en place des formations techniques et professionnelles sur l’entreprenariat en général, des programmes de sensibilisations afin de leur fournir des outils et informations spécifiques sur la manière de mettre l’entreprenariat au service de leur développement économique. Ces méthodes éducatives peuvent être suivies d’un encadrement adéquat et des politiques solides qui peuvent les accompagner à réaliser pleinement leur potentiel économique.
Desk Eco : Quels sont les obstacles qui empêchent les femmes de réaliser pleinement leur potentiel dans leur vie professionnelle au Congo ?
Judith Tunda : Au Congo et comme dans nombreux pays africains, les femmes n’ont pas la possibilité d’exercer un certain type de travail tout simplement parce qu’elles sont des femmes. Les obstacles qui s’opposent à l’émancipation de la femme congolaise sont souvent liés à la société notamment la discrimination sur le genre, l’inégalité basée sur le sexe, la politique organisationnelle ou encore la culture nationale.
Dans certains entreprises, les femmes sont souvent victimes d’un plafond de verre où la politique de l’organisation les empêchent à parvenir aux hautes fonctions ou à avoir des promotions. Au-delà des obstacles liés à la politique de l’organisation, il y a aussi des obstacles qui persistent au niveau individuel, mais aussi au niveau de la culture nationale. Dans certaines cultures congolaises, la femme est considérée comme une ménagère. Elle est combattue à poursuivre de grandes études et aller plus loin dans sa carrière professionnelle à cause de la peur de ne plus dépendre d’un homme.
Il y a aussi une manque d’ambition et de volonté personnelle chez certaines femmes. L’ambition est en soi un trait de personnalité témoignant d’une volonté de progresser et de faire les efforts nécessaires pour parvenir à ses fins. Tant qu’il n’y a pas d’ambition ni de vision personnelle, il est difficile de réussir et d’atteindre un niveau professionnel élevé.
Desk Eco : Pourquoi avez-vous créé « Justice Pour Toutes » et que faites-vous pour aider les jeunes femmes avec votre organisation ?
Judith Tunda : Je ne pouvais pas rester indifférente et insensible face aux inégalités et violences que subissent les femmes dans notre pays en particulier celles des milieux défavorables.
Notre organisation soutient et promeut l’égalité de sexe. Tout d’abord, parce que l’égalité entre femmes et hommes est un droit fondamental ! Et c’est aussi un facteur essentiel de la lutte contre la pauvreté et de l’émergence économique d’une nation. Les sociétés ne peuvent pas prospérer durablement quand la moitié de leur population ne peut pleinement pas exercer ses droits. Or, aujourd’hui, les femmes sont les plus exposées à la pauvreté, aux inégalités et aux discriminations.
Notre mission est de promouvoir la parité en sensibilisant les femmes de manière à connaître leurs droits tout en se battant afin qu’elles les appliquent au quotidien. C’est alors qu’il y aura l’autonomisation, l’habilitation et le respect pour les femmes dans la société congolaise.
Source : Desk Eco.